La composante océanique

    La Marine nationale met en œuvre la composante océanique de la dissuasion nucléaire avec les sous-marin nucléaires lanceurs d'engins nouvelle génération (SNLE NG). Elle participe également à la composante aéroportée avec les Rafale embarqués à bord du porte-avions Charles-de-Gaulle. Les atouts de cette composante sont l'invulnérabilité, la discrétion, la pénétration balistique, la longue portée et la frappe massive.

 

À la découverte d'un SNLE : Le Téméraire


    Le SNLE NG Le Téméraire est un joyau de la marine nationale. Lent, invulnérable, et taillé pour les grands fonds, ce géant pèse 14 000 tonnes. Il mesure 138 mètres de long, pour 12,5 de largeur et a coûté 7 milliards d'euros. À son bord, 110 hommes vivent plusieurs mois sans remonter à la surface. Les femmes ne sont pas admises, la maternité étant incompatible avec les missions et le mode de vie du sous-marin. Après avoir quitté l'Île longue à Brest, le sous-marin engloutit 1 400 tonnes d'eau dans ses ballastes, avant de se « diluer ». Haut comme un immeuble de sept étages, il peut plonger jusqu'à 300 mètres. Une fois dans l'eau, seul le commandant connaît la position exacte du sous-marin. C'est un secret qui ne se partage pas : moins il y a de personnes qui savent où il se trouve, plus la dissuasion est invulnérable et efficace. Au poste de commandement, 35 personnes s'activent : ils purgent, équilibrent et orientent le SNLE. Il est dirigé par un simple joystick, tel un jeu-vidéo. L'objectif lors d'un affrontement n'est pas d'être l'agresseur, mais s'il est poursuivi et acculé, le SNLE sera obligé de se défendre avec sa dizaine de torpilles et de munitions exocet.


    La première semaine de patrouille est la plus délicate : il faut oublier le cycle des terriens, changer de dimension, presque de planète. Briefing au carré, production de l'oxygène à partir de l'eau de mer, évacuation des ordures, la routine s'installe peu à peu, et avec elle, le souvenir des êtres chers.
La journée de travail à bord du Téméraire commence par le poste de propreté : 1 600 m3  de boîtiers et de câbles électriques sont à astiquer. 16 tubes occupent toute la hauteur disponible dans le submersible. Potentiellement, ce qu'ils contiennent dépasse 1 000 fois Hiroshima.

    La cuisine est un enjeu névralgique : le moral et l'efficacité des sous-mariniers en dépend. Il y a donc un chef cuisinier à bord, assurant des repas gastronomiques. De plus, du pain frais est produit chaque jour sur place.
Les sous-mariniers sont suivis par un médecin afin de surveiller leur poids et leur santé, et peuvent pratiquer du sport grâce aux équipements installés dans le bâtiment.

    Il faut aussi apprendre à évacuer la tension, présente notamment à cause de la censure systématique. Le petit journal du bord publie une actualité invariablement souriante. De plus, les proches peuvent faire parvenir des messages, mais n'ont pas le droit de communiquer d'information négative (décès d'un proche, …). La place centrale du bâtiment est la cafétéria où règne constamment une bonne ambiance.
Depuis quatre décennies, plus d'une centaine de sous-mariniers se trouvent quelque part dans le monde, afin de préserver nos intérêts vitaux et garantir notre sécurité.

 

Le missile M51


    Les quatre SNLE qui composent la composante océanique de la dissuasion nucléaire française disposent chacun de 16 missiles balistiques ayant une fiabilité remarquable.
Coûtant 120 millions d'euros par pièce, le missile M51 pèse 54 tonnes. Il mesure 12 mètres de long pour un diamètre de 2,30 mètres et a une portée de base de plus de 8 000 km. Sa coiffe a été dessinée afin d'obtenir un coefficient optimal et offrir un large volume pour la charge utile. Pour une bonne performance aérodynamique, un pare-vent se déploie après la sortie de l'eau, pendant la poussée du premier étage. Cette coiffe (avec son pare-vent) est éjectée lors du vol stratosphérique. Pour que le SNLE reste invulnérable, le M51 est prévu pour être lancé en plongée. Un système sophistiqué permet au missile de jaillir quelques dizaines de mètres au-dessus du sous-marin et du niveau de la mer avant de mettre en route son moteur de fusée. La coiffe d'un M51 peut accueillir plusieurs têtes contenant des ogives nucléaires. Ces têtes qui contiennent 10 fois la puissance d'Hiroshima, peuvent se dégrouper pour frapper des objectifs éloignés. Seul le Président de la République en détient les codes d'armement. La Marine nationale prévoit d'équiper chaque SNLE d'un lot de 15 missiles M51 (actuellement, les SNLE possèdent 16 missiles M45), d'ici 2016. Ces missiles extrêmement sophistiqués ont un système de propulsion semblable à celui de la fusée Ariane 5, ce qui leur permet d'atteindre un altitude de 1000 mètres et atteindre jusqu'à 20 000 km/h. À titre d'exemple, un tel missile peut parcourir tout l'Atlantique en une vingtaine de minutes.

 


Historique


Dérivé du M5 lancé en développement en 1992, le M51 a réellement débuté son développement en 1996.
Fin 1996 : début des tirs au sol de propulseurs.
2002 : premiers tirs de maquettes inertes du M51 à partir d'un caisson sous-marin.
2004 : début de la phase de production.
Novembre 2006 : premier essai en vol, depuis un socle.
Juin 2007 : deuxième essai en vol, également depuis un socle.
Novembre 2008 : troisième essai en vol, à partir d'un tube immergé dans un bassin.
Janvier 2010 : quatrième essai en vol à partir du SNLE « Le Terrible ».
Juillet 2010 : tir d’acceptation à partir du SNLE « Le Terrible ».
2010 : mise en service du missile M51 dans sa version M51.1.
Prochaine étape : mise en service du missile M51 dans sa version M51.2.